Toronto face au dilemme des pistes cyclables : progrès ou recul ?

Par Info

Toronto, en tant que métropole dynamique, a longtemps cherché à améliorer son réseau de pistes cyclables pour promouvoir des modes de transport durables et améliorer la qualité de vie urbaine. Cependant, cette initiative a été confrontée à divers défis, notamment des débats politiques, des préoccupations en matière de sécurité et des tensions entre différents modes de transport.

Au fil des ans, Toronto a investi massivement dans l’expansion de son réseau de pistes cyclables. En 2017, la ville comptait environ 590 kilomètres de pistes cyclables sur route, dont 37 kilomètres protégés par des barrières physiques pour assurer la sécurité des cyclistes. Ces infrastructures comprenaient des pistes cyclables protégées, des bandes cyclables délimitées par des lignes blanches et des marquages de partage de voie sur les routes sans pistes dédiées. De plus, Toronto entretenait divers sentiers cyclables à travers ses parcs et son système de ravins, renforçant ainsi l’accessibilité et la connectivité pour les cyclistes.

En juin 2023, le conseil municipal a approuvé un plan ambitieux visant à intégrer des pistes cyclables sur chaque rue de Toronto. Cette vision à long terme impliquait que chaque rue soit examinée pour l’ajout potentiel de pistes cyclables, renforçant ainsi l’engagement de la ville envers la mobilité durable. Pour soutenir cette initiative, le budget alloué au réseau cyclable a été considérablement augmenté, passant à 33,4 millions de dollars en 2023 et prévu à 42,9 millions de dollars pour 2024, triplant ainsi les investissements par rapport à 2019.

Piste cyclable dans une ruelle de Toronto. Photo : CC

Cependant, ces efforts ont été contrariés par des décisions politiques provinciales. En octobre 2024, le ministère des Transports de l’Ontario a ordonné le retrait de sections de pistes cyclables sur des artères majeures du centre-ville, notamment les rues Bloor, Yonge et l’avenue University. Cette action visait à rétablir ces voies pour la circulation automobile, suscitant des réactions vives de la part des responsables municipaux et des défenseurs du cyclisme.

La mairesse de Toronto, Olivia Chow, a exprimé son opposition à cette décision, arguant que la suppression des pistes cyclables pourrait aggraver les embouteillages et compromettre la sécurité des cyclistes. Un avis qui n’est pas partagé par tous les habitants de la ville. En effet, dans certains quartiers, ces embouteillages déjà présents et qualifiés d’incontrôlables mineraient le chiffre d’affaires des commerçants.

Une poursuite de près de 10 millions de dollars a été déposée contre la Ville par une quarantaine d’entrepreneurs incluant des restaurants, des dentistes et une boutique de lingerie qui qualifient les pistes cyclables de « désastre complet ». Ils demandent, en plus des dommages, une injonction pour la démolition du tronçon construit en 2023-2024, et le rétablissement de quatre voies de circulation automobile.

Par ailleurs, des études ont démontré que les pistes cyclables protégées améliorent significativement la sécurité routière. Une évaluation de 2024 a conclu que ces infrastructures réduisent de 44 % les décès sur les routes et de 50 % les blessures graves liées aux accidents. Des recherches menées en 2019 ont même révélé que la conversion de places de stationnement en pistes cyclables pouvait stimuler l’activité économique locale, augmentant les dépenses mensuelles des clients et le nombre de visiteurs.

Plan des pistes cyclables de la ville de Toronto.

Malgré ces avantages, le gouvernement provincial a exprimé des préoccupations concernant l’impact des pistes cyclables sur la fluidité du trafic et l’efficacité des interventions d’urgence. Le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, a suggéré que les pistes cyclables entravaient les interventions des services d’urgence et contribuaient à la congestion routière. Cependant, des documents gouvernementaux divulgués ont indiqué que la suppression de ces infrastructures pourrait en réalité aggraver les embouteillages, contredisant ainsi les affirmations du premier ministre.

La communauté cycliste et les autorités municipales quant a elles ont exprimé leur mécontentement face aux actions provinciales. Cycle Toronto a qualifié la législation proposée d’ingérence dans les affaires municipales, arguant que les décisions relatives aux infrastructures cyclables devraient être prises au niveau local. De plus, des experts en transport ont averti que la suppression des pistes cyclables pourrait, non seulement nuire à la sécurité des cyclistes, mais aussi affecter négativement l’efficacité globale du réseau de transport en ville.

En réponse à ces défis, la ville de Toronto continue de plaider en faveur de l’expansion et de l’amélioration de son réseau cyclable. Des études récentes ont montré que l’optimisation du réseau cyclable pourrait améliorer l’accessibilité de 19,2 %, correspondant à des économies potentielles de 18 millions de dollars. Ces recherches, menées en collaboration avec l’Université de Toronto, utilisent l’apprentissage automatique pour concevoir un réseau cyclable plus efficace et sécurisé.

Le développement du réseau de pistes cyclables à Toronto est à un croisement critique, confronté à des enjeux politiques, de sécurité et d’efficacité. Alors que la ville s’efforce de promouvoir des modes de transport durables et sécurisés, les décisions récentes du gouvernement ont créé des tensions et des incertitudes. Il est essentiel que les autorités municipales, les planificateurs urbains et les communautés locales collaborent pour naviguer dans ces défis, en veillant à ce que les infrastructures de transport répondent aux besoins diversifiés de tous les usagers de la route.

Par Kendra Oulai

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