Journée internationale des roux: entrevue avec Marc Alexandre Ladouceur

Par Programmation

La lutte contre la stigmatisation basée sur la couleur des cheveux ou sur la couleur de peau vient de se créer un allié de taille : la journée internationale des roux ou encore journée pour embrasser un roux nous rappelle la nécessité d’aimer l’autre dans sa diversité. Les roux ont souvent fait l’objet de haine, diffusée à travers les réseaux sociaux et il faut se souvenir que dans ce pays même, un jeune Canadien de 14 ans avait créé une page Facebook, « Kick a ginger day », qui avait été fixée au 20 novembre et dont l’objectif visait à diffuser la haine contre les roux, en réaction à une série télévisée au cours de laquelle un autre adolescent s’était vu teinter les cheveux en roux parce qu’il avait initialement appeler au bannissement de ces derniers, qu’ils considéraient comme pales, ressemblant à des vampires et donc sans âme, incapables de survivre au soleil et tachetés de boutons. La page Facebook incitant à la haine atteint 5000 membres et le 20 novembre, de nombreux jeunes adolescents roux se font agresser, obligeant la police de Vancouver à la fermer.

La journée internationale pour embrasser un roux est donc un moment favorable pour appeler à l’acceptation de l’autre dans sa diversité. Pour en discuter, la coopérative radiophonique de Toronto, à travers son chroniqueur, Sianko Sambou, accueille Marc Alexandre Ladouceur, spécialiste en éducation aux médias chez Habilomédia, organisme sans but lucratif qui fournit aux familles des ressources électroniques afin de leur permettre de développer une pensée critique face à l’utilisation du numérique.

Sianko : Est-ce qu’il est possible d’aborder des discussions en famille avec les enfants sur la question du gène identitaire à l’origine de la couleur des cheveux et la manière dont se fait la sensibilisation à l’acceptation de leurs camarades tels qu’ils sont ? En somme, deux parents bruns peuvent avoir des enfants roux s’il y a une copie identique pour le père et une autre copie identique pour la mère du gène MC1R (MelanoCortin 1 Receptor, Récepteur de la mélanocortine) ?

Marc Alexandre : Comme dans tout autre contexte de discrimination, il est tout à fait possible et important d’aborder la question. Tout en suivant notre modèle de discussions et leçons constructives, il faut d’abord miser sur l’importance du respect et de l’empathie envers les autres. Par la suite on peut parler de ce que nous appelons les pièges empathiques, ces obstacles dans le monde en ligne à l’empathie qui font en sorte que nous réagissons plus négativement dans les espaces numériques qu’en personne. Finalement, et d’après nos études, c’est l’étape la plus concrète et importante pour plusieurs jeunes, il faut discuter des étapes concrètes à suivre lors que nous faisons face à la haine ou la discrimination en ligne. Bien des jeunes sont tout à fait capable de reconnaître ces situations, mais ne savent pas comment réagir ou résister sans empirer la situation ou se mettre dans un certain pétrin. (On peut donner des exemples de manière ou d’outils pour résister selon le besoin).

Sianko : Être roux, est-ce un facilitateur d’intégration au sein de sa communauté ? Est-ce que culturellement et en fonction des pays, les roux sont plus acceptés que les autres ? Comment utiliser les médias sociaux pour aider à une plus grande acceptation de l’autre ?

Marc Alexandre : En vertu de notre spécialisation, je ne pourrai que répondre à la deuxième partie de cette question. On peut se servir des médias sociaux de deux manières pour faire accroître l’acceptation. D’ailleurs, ce sont deux modèles d’activisme plutôt bien connus : la résistance et la mobilisation. Bref, la résistance consiste au processus de correction lorsque nous voyons des désinformations qui ont pour but de créer de la division, ou encore à la dénonciation lorsque nous voyons du contenu haineux. On peut rapporter ce contenu à la plateforme, on peut partager des hyperliens, on peut exprimer notre désaccord. Mais on reconnaît aussi le modèle de la mobilisation, c’est-à-dire un activisme de conscientisation, soit un mouvement qui ne fait que promulguer des informations justes, des événements sociaux, des rassemblements (on aurait déjà nommé ça des « développement de conscience sociale »). Pas besoin, non plus, de le faire à grande échelle. On peut se joindre à un groupe en faveur de la cause – APRÈS avoir fait des recherches pour s’assurer de sa fiabilité -, on peut même former un groupe local à l’école ou
dans sa communauté immédiate.

Sianko : À l’occasion de la journée mondiale des roux, certains élèvent auraient tout donné pour vivre avec une personne ayant le roux comme cheveux parce qu’ils se sentent proches de cette dernière, du fait de l’appartenance à cette couleur. Existe-t-il des programmes d’apprentissage visant à renforcer l’amour du prochain ? On pense par exemple à des crédits d’embauche de personnes issues de cette minorité ou encore de programmes de stages de perfectionnement ou d’apprentissage ?

Marc Alexandre : Il faut, peut-être malheureusement, distinguer les programmes d’amour du prochain des programmes de littératie numérique aux médias. Ce n’est pas parce qu’ils ne vont pas main dans la main, mais parce qu’ils visent deux buts différents. Le premier, pourrait-on dire, vise la justice par sa qualité affective. Le second vise la justesse par sa qualité systématique. Les deux mèneraient nécessairement à des meilleures interactions en ligne, mais par des outils bien différents. Une ancienne sagesse d’Augustin le signifierait peut-être mieux, « Aimer d’abord et ensuite faites ce que vous voulez. » L’amour du prochain consiste nécessairement à s’outiller pour lui partager des informations justes, des messages clairs et le tout non pas dans le but de s’agrandir soi-même (en se moquant), mais de se rapprocher de l’autre. Il consiste aussi à se laisser corriger, et reconnaître quand il faut changer de schème pour entrer en meilleur relation.

 

Marc Alexandre Ladouceur
Spécialiste en éducation aux médias pour HabiloMédias
mladouceur@mediasmarts.ca

 

 

HabiloMédias organisme canadien sans but lucratif
Expertise en littératie numérique et éducation aux médias

 

 

Plus d'entrevues