La récente formation du cabinet ministériel par le nouveau premier ministre canadien, Mark Carney, a suscité une vive polémique au sein des communautés francophones minoritaires du pays. La suppression du poste de ministre des Langues officielles, dont les responsabilités ont été intégrées au ministère de la Culture et de l’Identité canadienne dirigé par Steven Guilbeault, a été perçue comme un affront à la dualité linguistique du Canada.
Un ministère symbolique évincé
Depuis sa création en 2003, le ministère des Langues officielles incarnait l’engagement du gouvernement envers la dualité linguistique canadienne. Bien que sa configuration ait varié au fil des ans, sa présence constante témoignait de l’importance accordée aux deux langues officielles du pays. La décision de le supprimer a donc été perçue comme une rétrogradation de cette priorité.
Réactions des organismes francophones
La Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA), représentant plus d’un million de francophones en situation minoritaire, a exprimé son mécontentement face à cette décision. Liane Roy, présidente de la FCFA, a ainsi déclaré que cette suppression “dilue énormément l’importance du dossier, à un moment où il faudrait plutôt renforcer tout ce qui constitue la souveraineté nationale du Canada”.
Cette inquiétude est partagée par d’autres organismes francophones, qui craignent que l’absence d’un ministère dédié n’affaiblisse la promotion et la protection du français au Canada. Ils redoutent que cette décision n’entraîne une marginalisation accrue des communautés francophones en situation minoritaire.
Position du gouvernement
Le premier ministre Mark Carney a défendu sa décision en affirmant que l’intégration des langues officielles au sein du ministère de la Culture et de l’Identité canadienne vise à renforcer l’identité nationale. Il a déclaré que “la langue française est au cœur de notre identité canadienne” et que cette réorganisation reflète cette réalité.
Steven Guilbeault, désormais responsable des langues officielles, a assuré qu’il “discutera avec les organisations francophones mécontentes au cours des prochaines semaines”. Il a souligné que “l’identité canadienne repose sur nos deux langues officielles, sur nos arts, sur la culture”.
Réactions politiques
Le chef du Parti conservateur, Pierre Poilievre, a quant à lui critiqué la suppression du poste de ministre des Langues officielles, y voyant un “manque de respect pour le français”. De son côté, Joël Godin, député conservateur en charge des langues officielles, a exprimé ses préoccupations quant à l’application de la Loi sur les langues officielles, s’interrogeant sur qui “va pousser au Conseil du Trésor pour faire déposer les décrets concernant les pouvoirs du commissaire et la partie 2 de la Loi”.
Un contexte politique délicat
La formation de ce cabinet restreint intervient dans un contexte politique tendu, marqué par une guerre commerciale avec les États-Unis et la perspective d’élections fédérales anticipées. Mark Carney a opté pour un conseil des ministres réduit à 24 membres, contre 37 précédemment, afin d’accélérer la prise de décisions. Cette réduction a conduit à la suppression de certains portefeuilles, dont celui des Langues officielles, suscitant des interrogations sur les priorités du nouveau gouvernement.
Perspectives d’avenir
La suppression du ministère des Langues officielles soulève des questions sur l’avenir de la dualité linguistique au Canada. Les communautés francophones craignent que cette décision n’affaiblisse les mécanismes de promotion et de protection du français, notamment en ce qui concerne l’application de la nouvelle Loi sur les langues officielles. Elles appellent le gouvernement à réaffirmer son engagement envers le bilinguisme et à mettre en place des mesures concrètes pour soutenir les communautés francophones en situation minoritaire.
Photo: CC Commons Policy Exchange