La Baie d’Hudson (en anglais Hudson’s Bay), anciennement et encore communément La Baie, vieille de plus de 350 ans est la principale chaîne de la Compagnie de la Baie d’Hudson (CBH), la plus ancienne société commerciale d’Amérique du Nord. Fondée en 1670, la Compagnie a longtemps été un pilier du commerce nord-américain. À ses débuts, elle détenait le monopole du commerce des fourrures sur un immense territoire appelé Terre de Rupert, où les trappeurs autochtones échangeaient leurs précieuses peaux contre des produits européens. La CBH a survécu aux guerres franco-anglaises, à la fusion avec sa rivale, la Compagnie du Nord-Ouest, et même à la perte de son contrôle territorial en 1870. Mais plus qu’un empire économique, la CBH a marqué l’histoire et la culture du Canada. Ses couvertures à rayures colorées sont devenues iconiques, et ses grands magasins, installés dans toutes les grandes villes canadiennes, étaient des lieux incontournables du commerce de détail. Pourtant, après des siècles de règne, la Baie d’Hudson n’a pas su résister aux changements de consommation et aux mutations du commerce.
Le lent déclin d’un géant
Depuis les années 1990, les habitudes d’achat des Canadiens ont évolué. Les grandes surfaces à bas prix et le commerce en ligne ont pris l’ascendant sur les magasins traditionnels. Pendant que les clients se tournaient vers Amazon et Walmart, la CBH accumulait des pertes et fermait progressivement certains de ses établissements. Malgré plusieurs tentatives pour moderniser son image et relancer ses activités, l’entreprise n’a pas su s’adapter au nouvel écosystème du commerce de détail. Des analystes du commerce de détail attribuent cette situation à une combinaison de facteurs, notamment des erreurs stratégiques et un manque d’investissement dans les magasins physiques. Liza Amlani, cofondatrice du Retail Strategy Group, a souligné que la fin de l’entreprise était prévisible depuis un certain temps, en raison de signes tels que le manque d’entretien des magasins et des horaires d’ouverture incohérents.
En mars 2025, la CBH a déposé une demande de protection contre ses créanciers, invoquant une baisse drastique des ventes et un achalandage en chute libre dans ses magasins post-pandémie. Liz Rodbell, présidente et directrice générale, a qualifié cette décision de « nécessaire », bien que douloureuse, dans l’espoir d’assurer une restructuration viable. Dans le cadre de cette réorganisation, environ 40 des 80 magasins restants devraient fermer, une décision qui laisse de nombreux Canadiens dans l’amertume et l’incompréhension.
Entre nostalgie et frustration : la réaction du public
L’annonce de la fermeture a provoqué une vague de réactions sur les réseaux sociaux et dans les médias. Beaucoup de Canadiens expriment leur tristesse, rappelant leurs souvenirs d’enfance passés dans ces magasins, de la magie des fêtes aux rendez-vous shopping en famille.
« C’est une partie de notre histoire qui s’effondre », déplore une cliente fidèle sur Twitter.
D’autres, plus critiques, pointent du doigt les erreurs stratégiques de la CBH. « Les magasins étaient mal entretenus, les horaires d’ouverture étaient incohérents… La CBH n’a jamais su réellement s’adapter à la nouvelle réalité du commerce. »
Certains clients expriment également leur frustration face à la suspension du programme de récompenses de la CBH, laissant des points inutilisés et un sentiment de trahison parmi les fidèles de la marque. Une cliente déçue a déclaré : « HBC, qui était autrefois ma référence préférée pour les vêtements de travail de qualité, m’a perdu comme cliente. »
D’autres, en revanche, se précipitent pour acquérir des articles emblématiques de la CBH, comme les couvertures à rayures, témoignant de leur attachement à la marque et de leur désir de conserver un souvenir tangible de cette institution historique. Un client a partagé : « J’ai poussé un soupir de soulagement en sachant que je possède encore ce morceau d’histoire canadienne. »
Les employés quant à eux, s’inquiètent pour leur avenir. Le syndicat Unifor, qui représente environ 320 travailleurs de la CBH, demande des garanties pour les salaires, les indemnités de départ et les avantages sociaux.
Un géant qui disparaît, un vide qui demeure
La Compagnie de la Baie d’Hudson a survécu aux guerres, aux crises économiques et aux transformations du commerce mondial, mais elle n’a pas survécu aux changements de consommation du XXIᵉ siècle. Sa disparition laissera un vide dans le paysage commercial canadien, tout comme Sears et d’autres grandes enseignes avant elle. Elle marque la fin d’une époque où les grands magasins étaient des institutions incontournables.
Par Kendra Oulaï