La santé mentale au travail & en milieu scolaire, un processus complexe & infini: entrevue avec Alexandra Fortier

Par Guillaume Lorin

Le mois de la santé mentale canadienne au travail vient à peine de s’achever que pointe à l’horizon la journée mondiale des stagiaires et du harcèlement en milieu scolaire. Les bonnes pratiques permettant l’éclosion des talents canadiens suscitent des interrogations d’un bout à l’autre du Canada. Pour pouvoir disposer d’un bon milieu de travail, l’Ontario s’est engagé à offrir à tous les élèves les moyens d’un milieu sécuritaire, qui puisse prendre en compte leurs besoins individuels et leur tolérance à l’environnement dans lequel ils évoluent. Quel sort est réservé à la lutte pour une bonne santé mentale des élèves après l’avènement de la pandémie? Santé mentale en milieu scolaire Ontario nous apporte quelques éléments de réponse, sous la plume de notre chroniqueur, Sianko Sambou.


Sianko : Votre établissement est un acteur majeur de la santé numérique des enfants en milieu scolaire. Aujourd’hui et compte tenue de la montée en puissance d’internet, des notions telles que le bien-être numérique émergent de plus en plus. Cette forme de bien-être est décrite comme étant la capacité à entretenir des rapports sains avec la technologie tout en évitant l’excès de stress ou de distraction que son utilisation pourrait nous causer. Comment définiriez-vous ce bien-être numérique et comment le valoriser, y compris pour nos plus jeunes ?

Alexandra Fortier : Selon, Santé mentale en milieu scolaire Ontario, le bien-être numérique est un «équilibre sain entre l’utilisation de la technologie et les activités physiques, le contact en personne avec des amis, les passe-temps, l’alimentation saine et le sommeil adéquat ».

Avec la COVID-19, toutefois, il y a eu une augmentation de l’utilisation d’appareils numériques, comme les téléphones intelligents, les tablettes, les ordinateurs, la télévision et les consoles de jeux. Pendant cette période, l’usage de ces items furent aidant, car ils ont permis aux jeunes de continuer l’école, aux adultes de travailler, et ces technologies ont offert la possibilité de socialiser avec des amis et à se distraire lorsque les gens devaient rester chez soi. Mais depuis que les mesures sanitaires ont été retirées, l’habitude de se servir des appareils numériques pour répondre aux besoins de divertissement et de socialisation est demeurée élevée. Des études ont montré que lorsque le temps d’écran excède deux heures par jour, cela augmente la chance de développer des problèmes de la santé notamment de santé mentale, dont, la dépression, l’anxiété, les troubles du sommeil et un comportement plus sédentaire. Pour éviter les effets négatifs reliés à une surutilisation des appareils technologiques et ainsi favoriser un meilleur équilibre entre l’utilisation de la technologie et des activités sans technologie, la première étape est de savoir combien de temps vous et vos enfants passez devant un écran. Une fois que vous avez une idée juste de votre utilisation de la technologie, déterminez si votre temps d’écran est actif (une conversation vidéo avec des amis, un cours en ligne ou des jeux virtuels de mise en forme) ou s’il est passif (écouter la télévision/YouTube ou naviguer des médias sociaux).

Avec ces informations, demandez-vous maintenant à quel besoin répond votre utilisation technologique. Par exemple, est-ce pour passer le temps, pour socialiser ou pour apprendre? Une fois que vous avez établi ceci, identifiez une activité non technologique, qui peut venir répondre à votre besoin et déterminer combien de temps vous allez consacrer à cette activité par jour. Par exemple, vous pouvez prendre une heure quotidiennement pour :

  • passer le temps, en adoptant un passe-temps (par exemple, faire un projet artistique, jouer un instrument de musique ou faire du sport),
  • socialiser, en ayant des moments entre amis en personne,
  • apprendre, en participant à un cours au centre communautaire ou en allant à la bibliothèque municipale pour vous trouver un livre.

En fait, il n’est pas question de mettre un stop complet à l’usage de ces appareils, mais plutôt, d’adopter une approche pour retrouver un ballant.


Sianko : Selon santé publique Canada, deux risques majeurs menacent le bien-être numérique des enfants. Il s’agit de la cyberintimidation qui consiste à harceler un enfant en utilisant ses appareils numériques par l’envoi de contenus dits humiliants ou encore de l’autre extrême qui est la dépendance numérique qui elle consiste en une utilisation excessive de la technologie. Pouvez-vous nous citer des situations où vous avez été en mesure d’identifier ces deux dangers pour la santé numérique des enfants ?

Alexandra Fortier : La cyberintimidation et la dépendance numérique sont en effet deux risques réels qui guettent les utilisateurs. Selon Prevnet, la cyberintimidation « est utilisée pour abuser de l’autre ou pour exclure des jeunes de leurs réseaux sociaux et les plonger dans la solitude, la gêne, la peur et la honte ». Alors que la dépendance numérique est une utilisation excessive de la technologie, où le jeune n’est pas en mesure d’arrêter son usage, ce qui fait en sorte que ça nuit à son fonctionnement quotidien et ses relations. Pour savoir si votre enfant se trouve dans l’une ou l’autre de ces situations, il est important d’avoir une communication ouverte et de confiance avec votre jeune, puis de prêter attention à ses comportements et ses habitudes.

Dans le cas de la cyberintimidation, remarquez si votre enfant :

  • présente différents signes, comme celles de la dépression, l’anxiété, une baisse de son estime de soi, s’isole socialement ou a des idées suicidaires.
  • évite de parler de ses activités en ligne.
  • paraît irritable ou en détresse après avoir utilisé l’ordinateur ou son téléphone intelligent.

Si vous constatez ces types de comportements, Prevnet souligne qu’il est important de :

  • Rester à l’écoute de votre enfant et d’être prêt à venir à sa défense.
  • Garder une preuve des courriels, des clavardages, des affichages sur l’internet ou des messages téléphoniques pour partager à votre fournisseur de service internet ou à la police.
  • Toujours rapporter les incidents de cyberintimidation à l’école et à votre fournisseur de service internet.

Si vous n’avez pas de préoccupations quant à la cyberintimidation, il vaut la peine de mettre en place quelques stratégies afin de la prévenir. Pour ce faire, Prevnet suggère de :

  • Bâtir une relation de confiance avec votre jeune en parlant régulièrement et ouvertement à propos des enjeux possibles liés à l’internet.
  • Se familiariser avec les différents médias sociaux et demander à votre jeune de vous montrer leur profile.
  • Garder l’ordinateur dans un espace commun dans votre domicile.
  • Mettre en place des règles et limites quant à l’utilisation d’appareil numérique avec votre jeune et expliquer pourquoi ces dernières sont importantes.

Si, au contraire, vous êtes davantage inquiets quant à la fréquence de l’utilisation de la technologie de votre jeune, voici quelques pistes à surveiller pour déterminer si votre enfant passe trop de temps devant les écrans :

  • Est-ce que votre enfant passe plus de temps devant un écran que dans d’autres activités agréables ?
  • Est-ce que l’utilisation d’appareil technologique affecte la participation de votre enfant à l’école ou dans ses activités parascolaires, familiales ou amicales ?
  • Est-ce que votre enfant semble plus irritable, anxieux, triste ou moins intéressé par les choses qu’il aimait avant ?
  • Est-ce que votre enfant est trop préoccupé par sa présence en ligne ?
  • Est-ce que votre enfant dépense de l’argent dans des jeux en ligne ?

Suite à cette réflexion, s’il y a lieu, prenez le temps d’avoir une conversation avec votre jeune pour exprimer vos préoccupations et réfléchir ensemble sur les prochaines étapes à prendre pour les aider à réduire leur usage d’appareils numériques.  Comme vous le remarquez, les risques liés à l’utilisation d’appareils numériques sont véritables. L’idée est d’en être conscient comme parent/tuteur/tutrice, afin d’être en mesure d’avoir des conversations calmes et franches avec vos jeunes à ce sujet. Pour vous aider à prévenir de telles situations, considérez mettre en place quelques stratégies simples, afin d’aider tous les membres de la famille à adopter et maintenir un équilibre dans l’utilisation de leurs appareils technologiques.

Sianko : Troisième question, quels conseils donneriez-vous aux parents qui nous écoutent pour les aider à guider leurs enfants dans l’adoption de saines habitudes numériques?

Alexandra Fortier : Selon la « Science Table du COVID-19 Advisory for Ontario 2  », il y a quelques stratégies que vous pouvez mettre en place dès maintenant, pour favoriser l’adoption d’habitudes saines pour tous les membres de la famille. Par exemple, vous pouvez :

  • Créer et respecter un horaire d’utilisation d’appareils technologiques.
  • Discuter ouvertement et calmement des conséquences du temps d’écran.
  • Établir des moments « sans écrans » dans la journée, comme les repas, le coucher et lors d’activités familiales.
  • Prendre des pauses fréquentes de la technologie.
  • Favoriser le temps d’écran actif, tel l’apprentissage, la socialisation, ou la créativité
  • Intégrer des moments de mouvements pendant la journée lorsque vous êtes sur les écrans pour de longues périodes.
  • Montrer l’exemple à vos enfants en adoptant les mêmes limites.
  • Réduire le temps d’écran de façon graduelle.

Sianko : Enfin, dernière question : est-ce que l’inscription des enfants à une activité de plein air comme le ski, le patin, le snow-board ou encore le hockey sur glace pourrait-être un excellent moyen de les extraire de leur ordinateur, de favoriser une activité physique et de ce fait de lutter contre les dangers qui menacent leur santé numérique ?

Alexandra Fortier : L’idée de trouver des activités alternatives avec votre enfant pour trouver un meilleur équilibre entre l’utilisation d’un appareil numérique et d’autres intérêts est excellente. En plus de l’option d’activités sportives en plein air, il est important de considérer quelles sont les forces et les intérêts de votre jeune. Par exemple, est-ce qu’il aime jouer un instrument de musique, faire des projets artistiques ou lire pour le plaisir ?

Alexandra Fortier,
Consultante en mobilisation de la recherche et en la mise à l’échelle de l’innovation

afortier@smho-smso.ca


Santé mentale en milieu scolaire Ontario

 

 

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