À la rencontre de Joan Manafa, une avocate francophile en droit de la famille

Par Programmation

Dans le cadre d’une nouvelle série cherchant à faire découvrir des emplois prometteurs, mais souvent méconnus, Grandtoronto.ca a rencontré Joan Manafa, une avocate francophile d’origine nigérienne ayant fait ses études de droit à l’Université de Moncton. En sus de gérer son propre cabinet d’avocat , elle opérationnalise une entreprise de thé de luxe. Entrevue par Karelle Sikapi.

Joan Manafa s’est lancée dans sa carrière en raison de sa passion pour les questions de justice sociale. Elle s’implique présentement dans plusieurs domaines en émergence, soient le droit de la famille en matière de fertilité, le droit de la famille transgenre, le droit international de la famille, l’enlèvement d’enfants en vertu de la Convention de la Haye, ainsi que les délits matrimoniaux. Ces domaines demandent qu’elle soit constamment mise au courant des développements de la loi, et elle participe régulièrement à des formations juridiques pour se rester au diapason des tendances juridiques et sociales.

Joan souligne les qualités nécessaires pour pratiquer le droit, dont l’organisation, la flexibilité, la communication efficace, et l’écoute active. « La pratique de droit est en fait, comme  la gestion d’une entreprise. Les principes de service à la clientèle s’appliquent aussi à un bureau d’avocat. Il faut bien écouter le client; bien expliquer au client à quoi s’attendre au tribunal, retourner les appels au plus vite, travailler sur le dossier jusqu’au bout, etc. » Malgré son expérience avec plusieurs domaines de droit, elle pratique exclusivement le droit de la famille à l’heure actuelle. Néanmoins, ce domaine demande une maîtrise de plusieurs principes fondamentaux quant à l’interprétation des lois et des contrats. « Il faut avoir la passion de faire la justice mais il faut aussi avoir les connaissances et les compétences nécessaires pour donner effet à cette passion. »

Un obstacle significatif que Joan a eu à surmonter lors de son parcours a été ses études de droit en français à l’Université de Moncton. « Ma langue maternelle c’est l’Ibo du Nigeria. L’anglais, c’est ma deuxième langue et le français c’est ma troisième langue. Faire des études en droit c’est difficile. Faire ces études dans une langue étrangère, dans votre troisième langue, c’est un défi singulier. » Aujourd’hui, elle a la chance de pouvoir diriger sa propre firme, qui demande beaucoup de gestion de sa part. Le jour, elle fait du travail typique : prendre des appels, rencontrer des clients, se présenter aux tribunaux. Cependant, le travail ne commence qu’en soirée après que les heures travail, étant donné qu’elle gère son propre cabinet. « Gérer un cabinet d’avocats c’est comme diriger une entreprise. Vous devez connaître les aspects administratifs ou commerciaux de la gestion d’un cabinet d’avocats. Vous devez savoir comment conserver vos livres. Il y a cet aspect de comptabilité.  Il faut savoir gérer l’agenda ou le calendrier et s’assurer de ne pas manquer une échéance sur un dossier. Vous devez savoir comment faire la promotion de votre pratique afin d’attirer de nouveaux clients. »

Elle sait se détacher émotionnellement de ses cas juridiques pour défendre des clients venant de tous les chemins. Par exemple, malgré son passé avec la violence conjugale qu’elle a subi, elle parvient à défendre des clients dans le domaine du droit familial ayant été accusé de tels actes. « Les accusés dans les procès criminels doivent être traités avec dignité et respect, peu importe la nature des charges. […] Il faut aborder chaque cas avec un esprit ouvert en appliquant la loi aux faits. » Elle croit que la justice devrait être libre des politiques, des croyances religieuses et des concepts politiquement corrects pour maintenir l’impartialité et l’équité.

Bien qu’elle ait de longues heures de travail, Joan se place des limites pour maintenir un équilibre entre sa vie professionnelle et sa vie personnelle. « Je choisis mes causes très soigneusement. Je ne prends pas tout client qui se présente à moi. Je ne prends pas un cas uniquement parce qu’il y a beaucoup d’argent à tirer du dossier. Je prends en considération de nombreux facteurs pour décider de prendre ou non l’affaire. Alors, je n’hésite pas à refuser de prendre certains cas. » Que ce soit en refusant les appels non-urgents hors de ses heures de travail, en prenant du temps pour faire du conditionnement physique, ou en prenant des bains chauds tous les soirs, Joan assure un équilibre entre son travail et son temps consacré sur le maintien de son bien-être et sa famille. « En tant qu’avocate, j’ai parfois le sentiment de gérer la vie stressante des autres. Chaque dossier au bureau constitue un très grand stress. Sans un bon équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée, il est assez facile pour un avocat de développer des problèmes de santé mentale. »

En dehors de son emploi à temps-plein, Joan a aussi une compagnie de thés luxueux, Gourmet Tea Boutique. Amoureuse de défis, elle aimerait un jour pouvoir s’y mettre à temps plein. De plus, elle souhaite pouvoir contribuer à sa communauté en enseignant le droit de la famille dans une institution universitaire.

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